Nous diffusons le témoignage d'un camarade de Carrefour qui était au congrès de la fédération du commerce et des services à Reims.

Son témoignage est disponible en intégralité en cliquant sur le lien ci-dessous.

Source : https://garap.org/communiques/communique71.php ( article intégral )

 

Le congrès de la CGT Commerce à Reims (mars 2018)

Il y avait aussi le congrès de la Fédération [CGT] du Commerce, qui se passe tous les quatre ans, durée des mandats des élus fédéraux. […] on est dans la catégorie poids lourd.

Moi je suis allé à ce congrès par curiosité et je me suis dit : on a vu ce qu’il s’est passé au [niveau] national, peut-être qu’au [niveau] fédéral, ça se passera mieux, ou il y a des choses qui seront plus intéressantes puisque ça ne regroupe pas juste […] les hypermarchés, mais ça regroupe toutes les activités de commerce, le tertiaire et tout ça. Il y a peut-être des gens un peu plus futés que des types d’une seule « congrégation » ou d’un seul corps de métier… Et, là, c’était pire, en fait ! C’était Marseille, mais en pire.

Les mecs du [syndicat] fédéral, ils entendent ne rendre de compte à personne. Ils arrivent avec leur bilan. Il y a un bilan financier qui était de quinze lignes… pour quatre ans, quinze lignes […] ce qui s’est joué [à ce congrès], en off, c’est qu’il y a des gens qui sont connus – des représentants de certaines régions – et qui disent qu’ils ne sont pas d’accord avec ce que fait la Fédération puisqu’il y a des représentations du commerce qui ne sont pas venues, notamment celle de Paris qui représente quand même une grosse partie et qui n’est pas d’accord avec la politique adoptée par la fédération depuis quelques années. [La fédération parisienne] ne s’en est pas caché et le dit haut et fort encore, en disant que les mecs du syndicat fédéral ne sont pas ouverts au dialogue, et que c’est des mafieux parce qu’ils ne nous ont pas envoyé les convocations nationales officielles à temps…

Or si t’as pas de convocation officielle, tu ne peux pas venir, tout simplement. Il y a des « videurs » qui voient qui peut rentrer au congrès et qui ne peut pas rentrer… ils ont déjà fait le ménage à ce niveau-là pour qu’il y ait le moins d’opposition possible parce que, sinon, forcément, au niveau fédéral, si les mecs viennent et qu’ils gueulent un peu partout…

Eh bien, non : moins de contestataires il y aura, et mieux ce sera pour eux pour faire passer plein de choses. Ce que j’ai vu à Marseille s’est à nouveau présenté, mais à un niveau autre, puisque la fédération ça brasse de l’argent, pas les petites sommes qu’on a au niveau du syndicat [CGT Carrefour] national. En effet, c’est de l’argent de différents corps de métier, je ne te raconte même pas les sommes.

Quand tu sais que, là-dedans, il y a les types de Disneyland, et qu’on a appris il y a un an ou deux que le responsable du CE de Disney – un type de la CGT – détournait de l'argent, il détournait des sommes immenses… bref, la fédération a les moyens, financièrement.

Le congrès durait cinq jours et, de fil en aiguille, au fur et à mesure des questions, des courageux ont demandé la parole, rappelant que le but il y a quatre ans c’était d’atteindre tel nombre d’adhérents et qu’au lieu de ça la fédération du Commerce en a perdu.

Ils demandaient aux élus : vous dites que c’est un bon bilan, est-ce que vous pourriez expliquer ? Développer ? En réaction, quand ce n’était pas des huées dans la salle, c’était le secrétaire de la fédé qui les envoyait chier, qui leur répondait en politicien : il ne répond pas directement, il répond de manière détournée, il t’envoie chier en te disant : tu n’as qu’à être dans le « game » comme nous, et puis tu sauras ! Il n'y a pas d’autocritiques [de la part des élus].

Je me souviens d’un camarade qui était au chômage et qui représentait les MacDo. Il n’en faisait plus partie, mais ses camarades l'avaient quand même désigné représentant. Il est arrivé, et il a dit : moi je représente MacDo Paris, et on n’a pas l’impression qu’on reçoive de l’aide de la fédération, parce qu’à MacDo, en France comme aux États-Unis, on se bat pour faire monter le salaire à 15$ de l’heure.

Ils ont donc eu des actions coordonnées avec des MacDo américains pour arriver à faire plier MacDo par rapport à ça… MacDo a plié un peu mais la fédération a dit « c’est grâce à nous ». Et le camarade de corriger : non non, ce n’est pas que grâce à vous […], parce que, c'est nous, les polyvalents de MacDo Paris, avec les collègues américains, qui avons fait le gros du travail.

Certes, la fédération a chapeauté un peu le truc mais, à la base, c’est nous qui avons fait les choses, donc arrêtez de vous envoyer des fleurs. Plus tard, il se fait attaquer par un autre de MacDo mais qui est, lui, élu au niveau fédéral. Ce dernier, sous-entend que le camarade intervenant n’est plus concerné, et que c'est limite de la mauvaise foi ce qu'il fait.

Le premier rétorque : dis-le clairement aux yeux de tous, je suis au chômage et je ne bosse plus à MacDo, je me suis fait virer de MacDo. Certains dans la salle rajoutent dans son dos « il n’a qu’à y retourner, au chômage, au lieu de venir faire chier avec ses questions emmerdantes ». Ça montre bien l’état d’esprit de « solidarité »...

Le même camarade s'est encore fait des amis plus tard dans la semaine, en déclarant qu’il y avait des unions locales ou des unions départementales où il n’y avait pas beaucoup de monde et que [la fédération] les délaissait au profit d'endroits beaucoup plus gros, des villes comme Marseille ou Lyon – parce que ça lui « rapportait » plus de monde niveau voix électorales. La réponse cinglante est venue d'un mec, un gros connard selon moi, qui finira élu au niveau fédéral quand même, qui se lève, et va pour casser la gueule au premier.

Mais il y a intervention en lui disant : « c’est ce qu’il veut que tu fasses, que tu lui casses la gueule, calme-toi… »… jouer de l'image du rassembleur, ça a toujours du bon pour la fédération. Pourtant, au fur et à mesure des jours, dans la salle qui était au début, en grande majorité acquise à la fédération, il y en a qui ont commencé à se poser sérieusement des questions […]

Mais, comme on sentait que les mecs avaient tout verrouillé, ils avaient mis à la tête de tous les groupes des gens à eux, il n'y eut pas beaucoup de voix dissidentes ou de questions dérangeantes. Bien avant la clôture du congrès, tous les contestataires, tous ceux qui posaient des questions d’organisation, qui disaient : le bilan, il n’est pas si bon que ça, faut arrêter de nous mentir… tous ceux qui avaient une voix un peu dissidente, sont partis dégoûtés – voire plus […]

Moi, ce que j'ai retenu, c’était la délégation internationale, des délégués venus du Brésil, de Russie, d’Espagne, de Palestine... Le représentant américain racontait combien ils en chiaient avec Trump. Il disait qu'ils avaient besoin d’alliés à l’international, qu’une action à l’international aurait plus d’effet aujourd’hui puisque, de toute façon, on travaillait tous dans des boîtes internationales et que, se battre sur le plan national – ou le plan européen ou américain –, c’était bien mais c’était limité. Le salut passait par un plan d’action international.

Pour moi, c’était le seul type qui était suffisamment lucide à s'être exprimé parce qu’il a commencé son discours par : on est au congrès, on est là pour s’auto congratuler, pour se retrouver entre amis, entre gens qui sont du même bord, mais il ne faut pas oublier qu’on est à des dizaines d’années à la traîne par rapport au patronat, on est à la rue, donc il faut aussi faire son autocritique, aller de l’avant, et ne pas être divisés comme ça peut le paraître actuellement […] Effectivement, il a raison : on est à la rue. Il n’y a pas eu de victoire dans le camp ouvrier depuis des années, ce n’est pas étonnant […]

Depuis Marseille et Reims, j’ai l’impression d’avoir affaire à des types qui ne sont plus dans le militantisme, qui ne sont plus là pour réfléchir à un meilleur avenir, pour être force de proposition, de contre-proposition, pour dire : on va suivre cette ligne décidée tous ensemble, on va y aller avec tous les moyens qu’on peut mettre, à [agir] à l’international et au niveau européen…

Non non : ils sont là à dire : ouais, la conjoncture actuelle est difficile ; à se miner le moral entre eux – à savoir : qui fera le constat le plus dur, ou le pire. Et toi tu te dis : mais bon, on fait quoi après les constats ? « Ouais, mais les collègues ils ne bougent pas leurs culs. » Mais pourquoi ils ne bougent pas leurs culs ? Pourquoi ils ne sont pas intéressés ? Les seules questions de fond qui étaient traitées [au congrès], c’est quand j’étais avec des collègues un peu « dissidents » qui disaient : il faut qu’on repense notre façon de communiquer, on n’est pas bons ; on n’est pas bons, parce qu’on n’est plus sur le terrain ; les mecs au [niveau] fédéral, ils ne sont plus sur le terrain, ils sont dans des bureaux […]

 

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